L’enthousiasme d’un combat pour la vie !
Christel Pernet
Le parcours d’une femme enthousiaste partie en Afrique, qui n’a jamais hésité à dire « oui » quand la vie lui ouvrait grand les bras !
Entretien réalisé par Emmanuelle Beal
L’enthousiasme d’un combat pour la vie !
Entretien réalisé par Emmanuelle Beal
L’enthousiasme d’un combat pour la vie !
Rien ne prédestinait Christel Pernet, petite parisienne jusqu’à 20 ans, à apprivoiser la communauté montagnarde du Grand-Bornand, puis à contribuer à l’organisation des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992. Rien ne la prédisposait à devenir pilote d’avion à 50 ans. Encore moins de passer des neiges des Alpes aux sables du désert africain. C’est pourtant là le parcours de cette femme enthousiaste, qui n’a jamais hésité à dire oui quand la vie lui ouvrait grand les bras ! C’est ainsi que l’association qu’elle a fondé, Les Puits du Désert, a réussi, en 12 ans, à construire et réhabiliter 230 puits dans la vallée de Tidène au nord du Niger, tout en fédérant les populations alentour et en leur apportant l’école et des dispensaires. Avec une économie locale revivifiée en sus. Parce que l’eau, c’est la vie !
Christel Pernet, qu’a été votre parcours avant Les Puits du Désert ?
Bachelière parisienne, j’ai suivi mon mari en 1966. Il était propriétaire savoyard d’un magasin de sport, au Grand-Bornand. Et j’ai réussi à me faire accepter par la communauté montagnarde au point d’être sollicitée pour participer aux opérations de conversion des temps en cabine de course du ski-club. Il faut se remettre dans le contexte : je n’étais pas du village, parisienne en plus ! Les responsabilités étaient dévolues aux hommes… c’était une vraie reconnaissance des montagnards ! Puis j’ai été élue présidente de ce ski-club en 1984, puis élue à la Fédération Française de ski en 1987. Parallèlement, je passe à la communication dans le cadre de la candidature puis de la mise en place des Jeux Olympiques d’Albertville de 1992. Alors vice-présidente à la FFS et présidente du ski-club du Grand-Bornand, je décide de créer une agence de communication, Duodécim, avec Florence Steurer, médaillée olympique. Je démissionnerai de la fédération de ski en 1994 après les jeux de Lillehammer pour m’y consacrer entièrement. Pour mes 50 ans, ma famille m’offre un brevet de pilote d’avion, ce qui m’emmène vers une nouvelle aventure pleine de surprises : les opérations humanitaires en Afrique, à raison d’un mois par an dès 1998. En 2004, ne supportant plus le contraste entre la misère africaine et les paillettes de la communication au retour en France – et avec l’accord de mon mari – je vends mes parts à mon associée pour me consacrer à l’association Les Ailes du Désert, dont je suis fondatrice et présidente. Cette association deviendra par la suite Les Puits du Désert.
Pour quelles raisons ?
Chaque année, je survolais la région du Ténéré, au nord du Niger, pour aller et venir sur les zones d’intervention des ONG. Cette région me plaisait, j’avais envie d’y faire escale… c’est arrivé en 2002, à cause d’un problème mécanique ! J’ai ainsi été accueillie pendant 4 jours par les Touaregs et j’ai découvert la vie sans eau. Premier choc ! Et puis, je me suis sentie en phase avec cette population : les Touaregs sont fiers, droits, intègres, ils ne connaissent pas la corruption. Nous avions des relations d’égal à égale. Quand je suis repartie, leur grand chef était devenu mon frère. Deuxième choc ! En repartant, je demandais comment les remercier de leur accueil. Mon « frère » me répondit simplement : « Si tu arrives à faire un puits pour mon peuple, je serai bien content ! ».
Et vous avez tenu le pari !
Mon expérience associative et un mari coopératif et compréhensif m’ont permis d’organiser rapidement la structure nécessaire pour donner corps à cet espoir. Une association montée sur place, fondée avec le chef des Touaregs, un vétérinaire et un instituteur, est jumelée avec mon association Les Ailes du Déserts, qui pour l’occasion est rebaptisée : Les Puits du Désert. Cela permet d’évaluer les besoins sur place, de traiter avec les réseaux de personnalités locales tout en réalisant en France les démarches pour trouver les fonds nécessaires. Enfin, quand on construit un puits, l’eau étant jusqu’alors la corvée des enfants, les parents réclament des écoles puisque leurs enfants ont désormais du temps pour ça ! Et nous y ajoutons un dispensaire de santé : le Niger est le pays qui détient le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde. En fait, on crée toute une économie, en plus du puits !
Quel est votre plus beau souvenir de cette aventure ?
Avec 230 puits construits ou réhabilités en 12 ans, pour différentes fonctions (les puits villageois, maraîcher ou pastoraux exigent des qualités d’eaux différentes), les souvenirs personnels sont nombreux ! La première mise en route du premier puits, quelle émotion ! Renouvelée à chaque fois, d’ailleurs ! Les visites dans l’Ecole du Désert, qui accueille 80 enfants, a ouvert sa troisième classe, possède des dortoirs et utilise des panneaux solaires : les enfants sont enthousiastes, là-bas ! Une fondue savoyarde toute prête amenée pour fêter le 31 décembre, avec du pain local cuit dans le sable, partagée dans une ambiance détendue… Les Touaregs sont pleins d’humour et ils m’ont appris le lâcher-prise : ils n’accordent aux choses qu’une importance relative. Ils ont un proverbe : Si tu jettes du sable par derrière, il te revient par devant. Avec eux, on se rend compte que quand on fait le bien, les choses se mettent en place toutes seules. Même quand mes comptes sont à zéro, je ne m’en fait pas : ça va venir ! Ils m’ont fait changer de philosophie de vie !
Mais ce pays fait partie de ceux qu’ici, on dit « instables ». Il n’y a pas eu de problème ?
Oh, parfois, il y a bien eu quelques anicroches, mais elles ont vite été résolues. Après la construction du premier puits, les éleveurs qui étaient autour se l’étaient « attribué ». Un éleveur de passage n’était donc pas franchement bien accueilli. Or, l’eau, c’est la vie, et elle est à tout le monde : pour favoriser cette éthique, l’association a créé des comités de gestion comprenant des Touaregs et des Peuhl : ainsi, tout est discuté calmement, et il n’y a plus aucun problème autour des puits. Chacun peut en bénéficier. Il y a aussi nécessité de concilier des intérêts différents : par exemple, les entreprises qui construisent des puits sur place sont exsangues. Leurs seules ressources, c’est nous !
J’ai surtout une grande fierté. En 2007-2010, une rébellion éclate et les ex-soldats Touaregs rejoignent leurs frères. A la même époque, ceux qui, pour gagner leur vie, s’étaient engagés dans l’armée en Lybie, reviennent également, suite à la chute du général Khadafi. Ils m’ont dit : si tu nous aide à nous réinsérer dans la société, on dépose les armes, il n’y aura pas d’insécurité. Cela a débouché sur un projet d’arboriculture encadré par un agronome et des techniciens agricoles, sur des îlots comprenant un puits maraîcher pour 3 jardins de 1500m². Résultat : depuis trois ans, les coopératives créées pour exploiter les jardins vendent des fruits à la ville ! Du coup, d’autres régions et pays – comme le Mali – veulent mettre en place la même chose : nous avons réussi à instaurer la paix par le développement économique !
Aujourd’hui, 230 puits ont été construits ou réhabilité, sur un objectif initial de 400. Et ensuite ?
Nous en construirons d’autre ! Le Niger est un pays deux fois plus grand que la France ! De nombreux projets sont donc encore en gestation : 10 puits villageois et 10 puits pastoraux en cours d’installation, une attente de budget pour 20 puits maraîchers supplémentaires… Mais l’association reposait jusqu’ici beaucoup sur moi : mon carnet d’adresses, les politiques, les artistes m’ont aidée. Quelqu’un va reprendre le flambeau !
Pour en savoir plus
www.lespuitsdudesert.org